dimanche 6 mai 2012

05. Bon à marier ?

Période : Novembre 2005
Situation sentimentale : 1 amoureuse et 1 fille à Paris, option trèèèèèès compliquée.
Localisation géographique : Cambrousse morbihannaise (56).
Situation professionnelle : Nada, pas l’ombre de la queue d’un job à l’horizon et juste mon solde de tous comptes pour vivre (puisque j’ai eu l’intelligence de démissionner).

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Ma présence en Bretagne m’avait permis de progresser rapidement sur bon nombre de points, affûtant mes talents d’aventurier les uns après les autres : réparation de voiture à base de pièces détachées chopées dans une casse (j’en reviens pas moi-même), électricité, peinture, isolation, jardin, etc…

Cela faisait clairement de moi l’un des aventuriers quasi-célibataires les plus convoités du moment sur la scène internationale (je croulais sous les propositions, c’était réellement obscène. J’ai même dû m’excuser à l’époque auprès de tous mes potes célibataires ou aventuriers qui galèraient comme des gros rats pour choper une riche héritière – ou même un infâme tromblon). Et puis bon, mon aura mystérieuse et burinée devait jouer aussi un peu, hein, faut être honnête.

Mais désireux de pousser toujours plus loin les limites de l’aventure (j’en viens à penser que c’est là ma destinée),  je me suis mis en tête qu’il fallait absolument que je progresse en cuisine. Vu d’où je partais, la progression ne pouvait être a priori que fulgurante.

En fait non. Pas du tout. Rapidement, mon audace m’a perdu (en même temps, on est un aventurier ou on l’est pas : si j’avais juste tenté de faire des pâtes au beurre, j’aurais eu aucun mérite en cas de réussite (et ne parlons pas du drame pour ma réputation si j'avais échoué)). Il valait définitivement mieux que je me frotte à un truc plus compliqué, ne serait-ce que pour construire ma légende personnelle).

J’ai donc décidé, dans un élan compulsif de création culinaire, de mélanger des morilles (que j’ai  oublié de laver préalablement et qui faisaient donc « crounch crounch » sous la dent (sable ? terre ? autre ?), des lardons « Eco + » limite date de péremption (J-1), de la crème fraîche et de la béarnaise. J’ai tout jeté dans une poêle pas du tout anti-adhésive et j’ai fait chauffer à feu max (pasque je suis pas du tout patient d’une part, et que ma cuisine était pas chauffée d’autre part, donc je souhaitais pas m’éterniser non plus).

Le résultat a été, visuellement, positivement ignoble (un genre d’infâme bouillasse verdâtre avec des bouts marrons) et, gustativement, fatalement indescriptible (comprendre : mauvais. Vraiment trèèèès mauvais. J’aurais presque préféré manger des gros vers blancs vivants comme dans koh-lanta. Au moins ça aurait pas fait « crounch crounch » - mais peut-être « blob-blob » ?, ce qui est pas forcément mieux à bien y réfléchir) (à noter : c’est ceci dit objectivement l’une des façons les plus créatives de gâcher des morilles). J’ai appris du même coup qu’il valait mieux éviter de faire chauffer de la béarnaise. C’est vrai que c’était complètement con et dénué de sens quand on y réfléchit à deux fois, mais j’étais dans la compulsion et j’y avais même pas réfléchi à une fois.

J’ai du coup abandonné l’idée d’ouvrir mon restau 3 étoiles. Après tout, on est pas obligé non plus de cartonner dans tous les domaines… Personne n’a jamais vraiment su (et on ne saura sans doute jamais) si Indiana Jones réussissait parfaitement l’ambroisie de poularde farcie à la golden et confite à la graisse de canard sur nid de pommes paillasses et chapeau de foie gras. Et tout le monde s’en fout. Preuve s’il en est qu’on peut être un bon aventurier et un cuisinier pourri.

Ceci étant, et parce qu’il me fallait bien trouver des solutions alternatives aux gros vers blancs pour me nourrir pas trop cher, j’ai repris mes incantations vaudoues pour que le kebab qui était censé ouvrir dans la ville la plus proche se sorte les doigts des fesses pour… ben, ouvrir (ça faisait quand même 5 mois qu’y étaient dessus les gars). A tous les coups c’était des lépreux ou des aveugles (ou les deux), c’était bien ma veine ! [Il fallait d’ailleurs espérer à ce stade qu’y se lavent les mains (pour ceux qui en avaient) entre le moment où y se sortiraient les doigts des fesses et celui où y commenceraient à préparer les kebabs].

Sur ce je vous souhaite bon appétit à tous et vous dis à très vite. T.

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