Il y a peu, comme chacun sait (enfin, chacun
avec un ou plusieurs enfant(s)), c’était la rentrée des classes. La rentrée des
classes, c’est un truc horrible qui revient chaque année et où les parents sont
dans un état de stress huit fois supérieur (en moyenne) à celui de leur(s)
enfant(s), qui eux sont dans un état d’énervement huit fois supérieur à la
moyenne annuelle d’énervement. Autant dire que l’ambiance dans les foyers est
bien chargée en électricité statique.
L’année dernière, par exemple, c’était une
année doublement importante : Sasha entrait en CP et Margot faisait son entrée
en maternelle. A priori, à la vue des comportements des deux chouquettes la
veille, Sasha devait nous péter un scandale interplanétaire et Margot
gazouiller joyeusement comme un pinson hyper content. Mais la vie est pleine de
surprises (sinon ça serait pas drôle du tout).
En fait, Sasha a trouvé ça plutôt cool a
priori (à part le fait que c’était la seule sans cartable, mais je lui ai bien
expliqué, ainsi qu’à la maîtresse, qu’elle n’était en rien responsable d’avoir
des parents indignes). C’est au niveau du mini-chose que tout s’est emballé (et
autant dire que j’ai rien vu venir). Voilà deux mois qu’elle nous gonflait pour
rentrer « dans l’école des grands de Sasha », jusqu’à ce matin encore, où elle
est partie toute sautillante avec son mini-sac Hello Kitty dégueulasse sur le
dos… Mais, arrivée devant sa classe, elle nous a posé une question qui a jeté
comme un froid : « Maman, Papa, vous allez rester avec moi, hein ? ». « Heu…
Comment te dire, chouquette ? Pas trop, trop en fait… » Trop tard pour
nous rendre compte qu’on lui avait tout expliqué en long en large et en travers
(on avait bien lu « comment assurer sa rentrée scolaire pour les
nuls ? »), sauf le fait qu’on ne resterait pas sur place avec elle la
journée…
Et là, LE BAD. On sait définitivement (des
fois qu’il y ait encore des doutes à ce stade) qu’on a raté quelque chose
quand, sortis de l’école, on entend encore sa fille hurler à la mort à plus de
500m à travers quatre murs en béton. C’est horrib’. Bref, j’ai eu le cœur brisé
en 1 milliard de tous petits morceaux rien qu’à revoir son p’tit menton qui
tremblait et ses yeux bleus avec des vraies-grosses-larmes-pas-de-comédienne
dedans, mes boyaux étaient étalés dans la cuisine et mes tripes (si tant est
que ça soit différent…) pendouillaient lamentablement au plafond du salon. Du
coup, ce jour qui devait marquer ma délivrance et le retour à une relative
liberté s’est avéré beaucoup moins festif que prévu. Faites des enfants qu’y
disaient ! J’attendais donc d’aller les chercher le soir avec une certaine
inquiétude…
Sasha a trouvé son
premier jour « très bien » et Margot m'a dit, je cite : "ce
matin j'ai pleuré pasque j'étais un peu petite, mais maintenant je suis grande
et c'est zénial l'école". C'est bien la peine de vouloir s'ouvrir les
veines toute la journée de désespoir... J'aime mieux ça en même temps...
Ceci étant, c’était pas encore complètement
fini cette histoire de rentrée… Ah ah, comme la vie est parfois facétieuse…
Quel bonheur lorsqu’on se rend compte, à l’heure du dodo du soir, qu’on a
oublié à l’école LE doudou de sa fille déjà (faussement) semi-poly-traumatisée
par sa rentrée scolaire ! C’te bonne blague ! J’ai parfois vraiment envie de me
décapiter.
Pour ma défense et suite au courrier de la
DASS reçu ce matin en recommandé :
1/ Je flippais ma mère quand je suis allé
chercher les chouquettes : étaient-elles encore en vie ? Ressemblaient-elles à
des grosses hémorroïdes larmoyantes ? … Les voyant vivantes et souriantes, j’ai
lâché la pression (prout) et tout oublié (enfin juste le manteau, le pull et le
doudou de Margot).
2/ Le doudou en question, je l’ai découvert le
lendemain matin, avait été volé par un de ses copains de classe. Je suis donc
allé voir le petit garnement coquin et lui ai gentiment brisé les tibias à
coups de barre à mine en lui précisant (on est pas des bêtes tout de même) que
c’était pas très bien quand même de faire ça et que s’il recommençait, il y
aurait des représailles. Ceci étant, même s’il le re-volait, y pourrait plus
aller bien loin maintenant avec ses jambes en lambeaux.
3/ L’histoire s’est de toutes façons plutôt
bien finie puisque, une fois encore, ma fille m’a complètement infantilisé en
deux temps trois mouvements : « mais papa, c’est pas grave du tout le doudou,
ze suis une grande maintenant, ze peux dormir sans doudou ». La morue. Tout ça
pour ça.
Du coup, on peut avoir l’impression que la rentrée
de l’année dernière s’est plutôt bien passée. Ce qui n’était pas si faux
jusqu’à ce coup de fil reçu le vendredi suivant la rentrée (cet enfoiré de
destin ne perdait pas de temps pour mettre mon mystérieux burinage à l’épreuve).
Vendredi 15h30 : Mon portable
sonne : « Bonjour. Ecole Léon Goraguer ». C’est bien, quand ça commence comme
ça, j’ai juste envie de me défenestrer [mode « mon cœur s’arrête » => une de
mes filles a un problème »]. Bien sûr, ça ne rate pas : « Sasha a eu un
problème, elle est tombée d’une structure de jeux et a mal au bras, vous pouvez
venir la chercher ? ». « Ben non, connasse, j’vais plutôt la laisser avec vous,
la mettre en accueil périscolaire du soir et aller la chercher vers 19h00, le
temps de finir ma french pédicure ». Evidemment que j’arrive. « Et merci de me
préparer sa petite sœur aussi, parce que les urgences pédiatriques, c’est
tellement plus drôle quand on est plus nombreux (et surtout avec des enfants en
bas âge »). « Et puis merci aussi de pas avoir appelé du tout les pompiers, ça
aurait été une vraie initiative intelligente, mais bon, faut pas trop en
demander non plus, hein ? ». Je prends mes deux filles sous le bras et je pars
aux urgences fissa.
Vendredi 16h00 : Arrivée au
urgences. Sasha a l’air d’avoir très mal. Je sais toujours pas ce qu’elle a.
Elle gère super bien, mais a l’air de souffrir le martyre. Note pour plus tard
: quand la chair de sa chair douille, on aimerait juste pouvoir prendre sa
souffrance, mais ça marche pas du tout comme ça, c’est super mal foutu la vie.
Alors on doit faire des grands sourires rassurants à sa fille, sachant qu’on
est nous-mêmes extrêmement pas rassuré. Un vrai bonheur. Les médecins enlèvent
sa chemise. Tiens, je vomirais bien un coup : bras à moitié déformé en bas de
l’humérus (genre : « coucou ! Je suis un os voyageur et je me balade
avec tous mes amis ») + hématome violet/rouge/bleu. Trèèèèèèèèès
rassurant. « Et sinon Sasha tu sens ton bras ? », demande le médecin. « Non,
pas du tout ». Ahh, très bien, je vais sans doute faire un arrêt cardiaque (ce
qui serait à la fois judicieux (je suis déjà à l’hôpital) et en même temps
complètement con tant il est vrai que ma poupette a besoin de moi bien vivant).
A la place, donc, il faut continuer à faire bonne figure. « Mais oui ma chérie,
tout va bien, c’est sans doute rien » (Barbie grosse menteuse). « Tu ne peux
plus bouger tes doigts ? ». Bien, bien, bien. « Et sinon tu n’as plus de pouls
du côté gauche ». Pas de problème (ça commence à être sacrément dur de faire
bonne figure).
Vendredi 18h00 : Sasha a eu 4
injections de morphine et deux masques de gaz hilarant (elle ne rigole pourtant
pas du tout, filez moi immédiatement le numéro de ce gaz hilarant que je le
traîne en justice par les pieds). Les radios reviennent et, comme me dit
habilement le médecin, « Pas besoin que je vous explique la situation je
présume ». « Ben tu présumes bien, connard ». Je vois effectivement très
clairement que son bras commence à un endroit et finit à un autre endroit, avec
entre temps un putain de foutu décalage de sa mère la pute (pardonnez
l’expression). Je commence à avoir de légères crampes à la figure à force de
faire semblant de faire bonne figure. Margot s’impatiente, bien sûr, ce qui
n’aide pas (Mais peut-on réellement demander à une chouquette de trois ans de
se tenir à carreaux pendant deux heures dans un hôpital surchauffé devant sa
sœur qui agonise ? Je crois bien que non !). En plus, elle détend un peu
l’atmosphère : « Mais Sassa, tu sais, c’est pas grave du tout ton bobo ! Moi
aussi z ‘ai un bobo, z’ai une ampoule dans mon pied de moi ». Les enfants sont
formidables.
Vendredi 18h30 : Premier verdict
(sans surprise) : humérus cassé net au-dessus du coude, et déplacé de deux
centimètres. Putaiiiiiiiiiiiiiiin, comment elle a fait pour pas hurler à la
mort pendant tout le trajet aux urgences et/ou tomber dans les vapes ? Les
enfants sont justes des warriors déguisés en nains, je sais pas comment ils
font. En tous cas, elle assure comme une bête, je suis trop fier d’elle. On
m’explique qu’il va falloir attendre un tout petit peu qu’on trouve un
chirurgien et des anesthésistes de libre, mais que dans tous les cas de figure,
il faut absolument l’opérer dans la soirée. « Vous voulez vraiment opérer mon
bébé, là comme ça, sans m’avoir prévenu deux semaines avant ? ». Bon,
évidemment je dis GO pour l’opération, je suis pas con non plus. Deuxième
verdict (tout de suite beaucoup moins drôle) : l’os qui a bougé comprime le
faisceau nerveux et une artère, c’est pour ça qu’elle peut plus bouger ses
doigts et qu’elle a plus de pouls et la main froide. « Super, vous en avez
d’autres comme ça ? ». Oui, tout à fait, ne bougez pas. « Deux options : soit
c’est juste une artère qui spasme et ça reviendra tout normal après
l’opération, soit l’artère est endommagée et c’est beaucoup plus grave, il
faudra la conduire à Brest dans la foulée (une opération, deux opérations, on
n’était plus vraiment à une opération près, hein ?) pour qu’elle subisse une
intervention de microchirurgie vasculaire, sinon elle pourrait perdre son bras
» (voilà vraiment un diagnostic qui fait rêver. Mon cœur de père saigne
abondamment).
Vendredi 19h30 : Je laisse Sasha aux
mains (que j’espère) expertes des médecins et des anesthésistes. Ouh bah je
fais pas mon fier à ce stade. Je repars avec Margot à la maison pour attendre
Alex qui devait rentrer du taf vers 19h45 et qui ne savait toujours rien.
J’avais préféré ne rien lui dire tout de suite, histoire de ne pas lui flinguer
sa journée. Elle rentre, je lui parle uniquement de la partie « fracture » pour
ne pas trop lui en balancer d’un coup dans la figure, je lui laisse Margot, lui
dis que je serai plus « fort » (mais alors vraiment toutes proportions gardées)
pour être avec Sasha cette nuit et je repars dans la foulée attendre la sortie
de notre chouquette du bloc (on m’avait dit qu’elle sortirait vers 21h00).
J’arrive à 20h30 à l’hosto. Pas de nouvelles (bonnes nouvelles ?).
Vendredi 22h00 : Toujours pas de
nouvelle. Ca commence à faire long. Impossible de savoir ce qui se passe (très,
très rassurant). Enfin, message du chirurgien sur mon portable « l’opération
s’est très bien déroulée (broches+plâtre OK, fracture réduite OK => gloria
alléluia merci mon Dieu), mais par contre on ne voit pas d’amélioration au
niveau de sa main : toujours pas de sensations, ni de pouls. Après consultation
de l’expert de Brest, il est préférable de faire un angioscanner pour savoir ce
qu’il en est ». Je vais crever. Et Alex qui ne sait rien de cette partie (je
comptais lui en parler après l’opération en espérant que ça serait réglé. Pas
de bol). Un angioscanner : Quel nom de merde en plus ! Je n’ai donc toujours
pas vu ma fille depuis que je l’ai laissée pour qu’elle se fasse opérer et mon
moral sent carrément des pieds.
Vendredi 23h30 : Enfin des news
=> Message d’une infirmière sur mon portable qui me dit que l’angioscanner
est terminé, qu’on attend les résultats, et que ma fille aimerait bien me voir.
Ah, ben justement, ça fait 3h que j’attends, totalement mortifié, et comme
j’étais pas exactement venu pour repeindre les murs de l’hosto, ça m’arrange
d’avoir des news et de pouvoir enfin la voir. Je la retrouve enfin en salle de
réveil avec plein d’autres personnes comateuses : elle a assuré comme une chef
et se porte comme un charme. Un mec qui était aussi en salle de réveil me dit
qu’elle a été trop forte. Je lui demande, histoire de faire semblant de
m’intéresser, pourquoi il est là : « je me suis fait enlevé un kyste sur le cul
» me répond-il très naturellement (« Papa, le monsieur il a dit
« cul », c’est pas bien »). Très bien, toutes mes félicitations
(difficile de rebondir).
Je me reconcentre sur ma fille qui est quand même
beaucoup plus importante qu’un kyste sur le cul et les médecins me disent qu’on
peut (enfin) la monter dans sa chambre en pédiatrie en attendant un éventuel
transfert vers Brest selon les résultats de l’angioscanner (qui prennent leur
temps pour pointer le bout d’leur queue ces connards). On remonte, Sasha me dit
qu’elle ressemble a un sapin de Noël (et vu le nombre de perfs lumineuses qui
partent de partout, c’est pas fondamentalement faux…) et qu’elle meurt de faim
et de soif. Arrivés dans la chambre, l’infirmière me dit qu’il vaut mieux
attendre le lendemain pour boire et manger, mais je demande quand même un verre
d’eau et un petit suisse, tant il est vrai qu’il est désagréable de voir sa
fille se dessécher et mourir de faim sous ses yeux sans pouvoir rien faire. On
y va tout doucement et ça a l’air de passer. Nota bene 1 : toujours se méfier
des apparences. « Papa, je me sens pas trop… bloarp… ». « Ah, bah oui ma chérie
tu as un peu vomi partout » (c’est fou de produire un litre de vomi à partir
d’un demi-verre d’eau et de deux cuillères de petit suisse). Nota bene 2 :
toujours écouter les infirmières. Bref, c’est pas la grande forme (vive la morphine).
Les résultats de ce putain d’angioscanner tombent enfin : artère spasmée. Le
pouls reprend du service lentement mais sûrement. La main se réchauffe. Les
doigts recommencent à bouger petit à petit. Les sensations reviennent dans 2
doigts sur 5 => bilan des courses, pas besoin d’aller à Brest, tout va bien
[Enfin, aussi bien que possible vues les circonstances]. Il est 2h00 du mat, je
m’endors à côté de ma chouquette aux doux sons des « bips, bips » des
différentes machines. Je suis rassuré, plus de peur que de mal. Ce matin et ce
soir, Alex a pris le relais pendant que je m’occupais de Margot. J’ai perdu 3 kg et dormi 6h en deux jours
mais Sasha va bien et a été exemplaire, alors je peux dormir tranquille ce
soir. Vraiment un week-end comme on les aime…
Du coup, comparée à la rentrée de l’année
dernière, celle de cette année a été tout à fait calme et joyeuse. Sasha est
avec toutes ses copines et a eu (je cite) le « meilleur jour de classe de sa
vie » et Margot est elle aussi avec ses copines (et avec son amoureux) et
a la même maîtresse que l’année dernière. Jusque là, tout roule. Pourvu que ça
dure ! A très vite les poulets ! T.
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