jeudi 28 juin 2012

28. « Toc, toc, toc ! » « Ouiiiiiiii ? » « Bonjour, c’est la cigogne ! »




Ah, ça, tu l’as dit Andy, 9 mois d’attente, ça rend les choses sacrément excitantes (et longues aussi, force est de constater).

Alors nous avions donc entamé le troisième (et dernier pour ceux qui n’y connaissent vraiment rien) trimestre de notre grossesse, Bouloche s’était retournée tout bien comme il fallait dans l’utérus à 7 mois et devait attendre dans cette position, la tête en bas (position complètement dénuée de sens, mais bon, c’est la nature qui l’a décidé), et également occuper tout l’espace. Alors là, soyons bien clairs, il s’agissait bien que notre pitit nenfant à naître n’occupe pas TOUTE la place dans l’utérus, pasqu’on se dirigeait tranquillement vers un bébé de 16.50 kg au garrot ce qui est beaucoup trop, même si ça aurait permis de recevoir un prix spécial du jury dans le Guiness Book (ça aurait probablement aussi permis que ma femme meurt en couche ou ait 2568 points d’épisiotomie à recoudre, aucune des deux options n’étant franchement joyeuses…). Ca laissait présager en tous cas d’un accouchement long et douloureux, et même si j’étais pas directement concerné, je ne pouvais m’empêcher d’avoir un minimum d’empathie (on est pas des bêtes non plus).

Ah, tiens, en passant, nouveau p’tit flip pas prévu : du diabète gestationnel. Dis comme ça, ça a pas l’air dramatique. Objectivement, ça ne l’est pas tant que ça, sauf qu’on l’a décelé trop tard chez ma femme et que ça génère quand même des risques additionnels pour le bébé (génial : tout c’que j’aime). Et puis pour ma femme c’était chiant, il fallait qu’elle se pique toutes les deux minutes pour connaître son taux de j’sais plus quoi et après manger (ou pas) en fonction du taux… On peut pas vraiment dire que ça vous égaie un quotidien cette merdasse. Et évidemment, seules 3% à 6% des femmes enceintes sont concernées (rien ne nous aura été épargné) et ça peut rester après la grossesse (youpiyoup).

Mi-août, retour de vacances du docteur des chattes, qui nous avait montré uniquement sa dark side jusque là : aimable comme un caveau moisi et avenante comme Vlad l’empaleur dans ses mauvais jours. Bah non, là elle était limite sympa (comme quoi elle avait peut-être juste besoin de vacances… En même temps, à force d’ausculter des chattes toute la journée ou d’y faire de la spéléo dedans, je veux bien comprendre qu’elle ait eu besoin de changer un peu d’air – ah, ah).

Alors, qu’est-ce qu’elle nous raconte la connasse ?
Elle nous dit qu’il y a de fortes présomptions pour que notre enfant :
-          soit énorme (impeccable),
-          ait une nuquette de footballeur est-allemand des années 80 (tout parfait).
Elle nous confirme par ailleurs que Bouloche bouge beaucoup ses petits poings vers le haut (Révolutionnaire constestataire ? Championne de kick-boxing ? (Ça m’aurait arrangé moyen vu que je l’avais pré-inscrite à la NBA) Fan de danse tecktonick ?)

Je crois que le pire, c’était bien la nuquette (en fait j'en suis sûr) :




Si on recoupait toutes les informations, le scénario le plus probable était que nous attendions une fan de danse tecktonick obèse à nuquette. Ca donnait pas trop envie de faire sa connaissance rapidement ces conneries…

Petit portrait robot pour vous faire une idée de ce à quoi on se préparait (en priant le ciel pour que non / Seigneur Dieu, pourquoi nous ? Qu’a-t-on fait pour mériter ça ? Comment allons nous gérer cette petite (enfin, quand je dis petite…) monstruosité avec sa bombe atomique de sœur aînée ?) :




> Ah, ah, en fait pas du tout !

[Tant il est vrai que Bouloche ne ressemblait pas du tout à ça !]. Un rapide coup d’œil à ses yeux bridés et sa peau jaune aurait dû vous indiquer que rien n’en était possible (même si ce bébé existe vraiment quelque part dans le monde, probablement vers le grand est d’ailleurs) c’est affreux, comme je plains les parents)… NB : Penser quand même à changer de docteur des chattes : son matériel vétuste d’avant-guerre ne peut pas tout justifier sur ses foirages de pronostics (foirages forts bien venus ceci étant).

A ce stade, diabète gestationnel ou pas, ma femme ressemblait à Pac-Man (en moins jaune) : mais si, souvenez-vous « rond comme un ballon et plus jaune qu’un citron, c’est Pac-Man ». Bref, il était temps qu’on accouche et ça tombait bien pasque le diabète gestationnel est une cause possible de déclenchement prématuré (vous pensez bien qu’on s’est pas gênés pour l’utiliser). On avait donc prévu d’accoucher un lundi, 15 jours avant terme. Les sacs étaient prêts, l’organisation rodée, les émotions (à peu près) maîtrisées, y’avait plus qu’à… Sauf que la vie nous a encore réservé un de ces satanés coups fourrés dont elle a le secret : on est arrivés pour le RDV le lundi matin très tôt, on a attendu deux heures en sifflotant, et après une gentille madame (qui n’est malheureusement plus de ce monde pour témoigner rapport à ce qu’elle nous a annoncé – elle l’a un peu cherché aussi) : « Désolé Madame et Monsieur, mais en fait on a plus de place aujourd’hui, alors il faudra revenir demain » « Ah, ah, c’est une blague Madame, je suppose ? » « Pas du tout Monsieur » « Et bien, chère connasse, venez donc sauter à pieds joints dans ce bloc de ciment frais que je vous dise le fond de ma pensée et que je vous jette ensuite, probablement un petit peu violemment et je m’en excuse d’avance, tout au fond de la mer ». Le bad. On est rentrés chez nous comme des merdes avec Bouloche toujours dans l’utérus de ma femme, et avec la promesse de la gentille dame  que ça serait pour le lendemain (ce furent ces derniers mots – RIP). On a beau dire, c’est chiant. La journée a été longue et glauque.

Lendemain matin rebelote, sauf que là on a eu une chambre vite, donc on sentait bien que les choses allaient avancer dans le bon sens.



Dans le bon sens, certes, mais rapidement, ça s’est pas trop avéré. Arrivée 8h00 du mat’. Enfonçage d’un machin chimique dans le trululu de ma femme pour dilater le col et déclencher les contractions (et ultimement l’accouchement). Ca devait venir d’un vieux stock périmé de l’armée russe leur truc (pareil que le matos du docteur des chattes), pasque ma femme était dilatée à 1cm à 14h00 (aucun enfant n’est jamais sorti par un col dilaté à 1, sauf un très pitit nenfant ce qui n’était pas le cas de Bouloche qui attendait probablement une dilatation à 45cm pour pointer le bout d’sa tête) et que ça commençait à faire long. Pour diversifier les techniques, on lui a aussi demander de sauter sur un gros ballon gonflable (c’était ridicule, elle était plus grosse que le ballon) : ça a servi à rien, mais j’ai bien rigolé.

Un interne est venu poser une perf « au cas où », il a complètement foiré et la chambre a été couverte du sang de ma femme en quelques minutes. J’ai demandé qu’on me répare ça vite fait bien fait (je veux un VRAI médecin sivoplé, pas un qui tremblote dès qu’y s’agit de poser un cathéter…). Bon, on a arrêté l’hémorragie, la chambre a été nettoyée. Pendant ce temps, et comme convenu avec ma femme, je servais à rien, puisqu’elle m’avait bien dit de pas lui parler de la journée et de la laisser gérer sa douleur toute seule. Bon, ben on se sent un peu inutile, mais j’étais à côté d’elle et je lisais le dernier Grangé que j’ai fini dans la journée (pasque je lis vite et pasque la journée a été longue). En cours d’après-midi, ma femme a commencé à avoir des contactions de ouf (mais une dilatation toujours toute pourrite). Elle a failli buter une sage-femme qui faisait rien pour elle (juste elle passait toutes les heures une tête à travers la porte pour demander « ça va ? ». Ma femme répondait (un peu sur les nerfs) « NAAAAAAAAAAAAAN ça va pas DU TOUT ! Je vais crever ! Faites quelque chose tout de suite où je me lève et je viens vous péter la gueule à grand renfort de tout ce qui me tombe sous la main de lourd et de contendant ». Moi je disais, l'air blasé de l'aventurier mûrement travaillé "faites pas attention, c'est ses hormones". Et la sage-femme de dire (à chaque fois) : « Très bien, c’est parfait, je repasse tout à l’heure ». Elle avait fait sage-femme option connasse ou bien elle était sourde, je ne vois que ces explications pour justifier d’un tel comportement. Après j’ai tenté de faire une blague (nulle) pour détendre l’atmosphère dans la chambre et avoir l’impression de servir à quelque chose. C’est tombé en plein milieu d’une horrible contraction et ma femme a essayé de me balancer par la fenêtre (pasqu’en fait la blague était finalement semi-drôle, mais elle a ri juste pendant la contraction : mauvais goupillage, quoi). 

Heureusement, il était bientôt 22h00 et nous avons eu le droit à un changement d’équipe dans le service (et c’était pas dommage). Les nouveaux gens étaient plus efficaces. Alors ma femme est partie faire sa péridurale pasqu’elle commençait à être dilatée à 2.5cm et qu’elle douillait « sa race de sa mère la pute mais quelle grosse salope » (je sais, c’est vulgaire, mais je cite). L’anesthésiste était pas aimable, mais très pro (alors il lui sera beaucoup pardonné). Il a dit « mettez vous en boule que je puisse procéder ». Ma femme : « mais je suis déjà en boule ». Lui : « et ben il va falloir faire mieux ». C’était drôle (de mon point de vue). Par contre une fois la péridurale faite (et pas foirée), tout est devenu calme et volupté. On a mis la lumière en mode tamisée et on a monitoré ma femme et y’avait plus qu’à attendre…

Du coup, comme tout avait l’air sous contrôle (c’était trop beau, j’aurais dû sentir le piège), je suis allé me chercher un dîner chez Quick pasque j’avais rien mangé depuis le matin et ça commençait à faire un peu faim ces conneries (et aussi j’avais fini mon Grangé alors je commençais à m’emmerder salement). Hop, hop, hop, j’y vais et dès que je reviens, je vais vers la chambre où j’avais laissé ma femme et alors là, je me suis demandé qui avait kidnappé le calme et la volupté de tout à l’heure…

A peine arrivé devant la porte et l’ayant tout juste entrouverte, j’ai vu trois personnes qui s’activaient autour de ma femme, dont une avec un masque à oxygène (ouhhhhhhhhhhh j’aime pas ce que je vois). Les deux autres barjos hurlaient « calmez vous madame, respirez doucement, ça va aller, il faut faire remonter le rythme cardiaque ». Pardon ? De quoi ça s’agit ? Mon bébé à un rythme cardiaque en chute libre et ma femme est en souffrance et personne ne juge bon de m’appeler sur mon portable (« ça vous aurait inquiété monsieur, et votre femme nous a dit que vous ne réagissiez pas toujours très bien au stress ». Certes, m’enfin bon, il s’agissait JUSTE de ma moitié et de ma progéniture, donc j’aurais quand même aimé être prévenu)… Pas le temps de réfléchir plus longtemps ou de passer en mode « je cherche, je trouve et je tue le responsable de cette communication déplorable », je me faisais littéralement piétiner par deux médecins qui arrivaient, l’un avec un tondeuse à barbe (et à tout le reste manifestement) dans les mains et l’autre avec un scalpel (peut-être, je me souviens plus bien, je faisais des scénarii catastrophes à la vitesse de la lumière). Globalement j’ai fini par comprendre que (normalement) personne n’allait mourir (déjà c’était bien), MAIS que mon bébé avait fait un nœud autour de son cou avec son cordon ombilical et que du coup son rythme cardiaque et ses autres constantes étaient pas terribles (comme quand on mange des yahourts qui sont pas des perles de lait de Yoplait) et qu’on allait devoir faire une césarienne à ma femme. Alors là, c’est bien simple, elle a eu sa première vraie conversation de grande avec Bouloche. Ca disait approximativement ça : « j’ai pas poireauté 17h00 d’affilée dont 14h00 sans péridurale pour qu’on me fasse une césarienne alors que suis dilatée à 6, alors tu te motives poupette, et tu me fais remonter tout ça fissa ! ». Bouloche a été top, elle a tout bien écouté, et elle a fait remonté son rythme cardiaque et tout le reste et le col s’est dilaté, et la sage-femme a dit « poussez encore une fois c’est la dernière épaule qui arrive » et après c’est devenu assez flou pour moi.

Globalement je me suis dissous dans l’univers : je suis devenu un tsunami géant (mais gentil) (rapport aux larmes ininterrompues et à l’incapacité juste totale d’aligner deux mots cohérents d’affilée), une éruption volcanique (joie intense), une galaxie entière en pleine sieste (plénitude totale), un big bang (émotions x 1000000000 + je sais plus où j’habite), un ruisseau tout calme au milieu d'une forêt avec le chant des zoiseaux (zeeeeeeeen avec mon babynou en peau à peau) et un hurlement de joie le plus intense du monde. Et oui, tout ça d’un coup, et tout ça dans ma tête (ou sur ma tête) (et encore, la métaphore est faiblardesque). Bref, j’étais papa (re). Mais c’était le premier bébé que je voyais naître. Margot venait de naître. Bordel, paie ton moment de ouf. Indescriptible. […] On a beau être mystérieux et buriné, avoir traîné sur les mêmes bancs d'école que Lara Croft, avoir eu Indiana Jones comme prof d’histoire et Vincent Peillon comme prof de philo, on en reste pas moins humain et alors là, c’est bien simple, l’humanité se rappelle à vous directement dans vot’gueule.

Après ce moment d’émotions niveau 50 000 sur l’échelle de Richter qui va de 1 à 7, il a quand même fallu se rendre à l’évidence (et j’ai eu deux heures de peau à peau pour la réchauffer pour m’en rendre compte) : elle était super sympa et en pleine forme (c'était déjà pas mal), mais vraiment hyper moche. En plus je la voyais de très (trop?) près alors je pouvais pas me tromper. Au début j’ai cru que c’était les larmes qui me brouillaient la vision, mais en fait non. Elle était bien moche. On nous explique tout le temps qu’on trouve ses enfants beaux à la naissance (voire après) même quand c’est pas, voire vraiment pas du tout, le cas. Bon bah là, pour moi c’était foiré, j’avais été livré sans la fonction « ne sois pas objectif avec ton enfant, trouve le juste beau ». D’ailleurs, après lui avoir dit que je l’aimais le plus fort du monde, et que je serai toujours là pour elle, je lui ai dit qu’elle était moche mais que je l’aimerais quand même pour toujours (j’espère qu’elle a pris bonne note de mon abnégation). Bon, le truc c’est que c’était mon portrait craché (crashé ?) à la naissance, donc mix entre un gorille (pour le pli de front de boxeur) et un porc (pour le gros nez patate), avec en plus une délicieuse couleur tirant entre le violet terne et le marron clairasse, le tout saupoudré par-ci par là de vernix (cette magnifique substance protectrice blanchâtre venue d’on ne sait zoù). C'est pour vous dire que je mens pas :


Heureusement qu’elle avait la jolie bouche toute pulpeuse de sa maman sinon je l’aurai rendue dès le lendemain (j’avais encore l’étiquette et le ticket de caisse, quelquechose devait bien être possible sous 15 jours), ou échangée à la rigueur… Quitte à s’en prendre pour toute une vie, on aimerait autant ne pas avoir une progéniture trop disgracieuse. Bon, en fait elle a mis un peu de temps à se détendre du pli, à perdre son vernix, à retrouver une couleur normale, à prendre du poids (car son hospitalisation à 12 jours pour méga bronchiolite/tuyaux partout/pas drôles du tout/sonde intestinale/l’horreur… en faisait un très petit chose), mais finalement elle s’est bien rattrapée et aujourd’hui notre petite Ratatouille pète le feu et ne nous apporte (globalement on va dire) que joie et bonheur, tout comme sa grande soeur. Elle est même sacrément chouquette.

Voilà, ça c’était fait.

Bon, ben nous on va s’arrêter là pasque par contre après bientôt deux ans et demi de père au foyer, on se dit que deux ça va et trois ça va pas : comment peut-on faire pour avoir plus de deux enfants à l’heure actuelle, si on veut leur accorder de l’amour, du temps, de l’argent, tout en construisant son couple et en se gardant des plages de temps pour sa gueule…(déjà que j’y arrive pas du tout en l’état) ? Bref, faites des gosses les gens, c’est que du bonheur quand même ! (Mais pas plus de deux). En vrai vous faites bien comme vous voulez !

Peace & Love, Joie et bonheur pour mes deux amours, la grande et la petite ! WAM.

2 commentaires:

  1. je vous adore et margoton est magnifique bizzzz

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  2. J'ai A-DO-RE ta description de ce qui te passe par la tête au moment M de la naissance.

    Trop vrai ! Trop de souvenirs immenses...

    Merci !

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