Curieux post que celui qui suit.
Voilà 5 mois que je n’ai pas posté sur mon blog. J’ai été
assez occupé par un nombre relativement incalculable de problèmes, petits ou
gros, comme tout le monde j’imagine, mais surtout j’essayais de gérer ma
maladie, avec très peu de succès il faut bien l’avouer. Gérer ces p*tains de
loopings chelou dans ma tête. Répondre tous les jours aux gens qui me demandent
« comment ça va ? », que « ça va bien » (alors que non,
pas du tout). Et se voir répondre « qu’est ce qu’il y a
ENCORE ? » quand, par malheur, je dis que « ça va moyen ».
Je sais bien que je fais chier le monde, faut pas être médium pour s’en rendre
compte. Alors j’essaie de faire semblant, faire « comme si ».
Du coup, quitte à dire les choses, autant le faire dans
les grandes largeurs. Ce post de reprise ne sera donc pas (tentativement) drôle,
ni même tentativement joyeux (il n’est pas, soyez-en persuadé(e)s,
volontairement glauque). Ces quelques lignes ont été compliquées à écrire,
tellement compliquées que la plupart des phrases ne sont même pas de moi :
j’ai dû mélanger mes mots avec ceux d’autres, ce que je ne fais JAMAIS. Je sais
que beaucoup d’entre vous trouveront probablement ce post égocentrique,
larmoyant et/ou misérabiliste (l’un n’empêchant pas l’autre bien sûr), voire
chiant tout simplement. L’objectif, un peu égoïste certes, est pourtant juste
d’essayer de « catharsiser » ma maladie par l’écriture. J’avais BESOIN
d’écrire tout ça et de le partager. Parce que j’en ai un peu marre de
pas réussir à expliquer les choses. En même temps, BONNE NOUVELLE pour vous,
vous êtes pas forcés de lire, vous pouvez vous arrêter là !
Youpiyoup, here we go.
Ne nous voilons pas la face, les maladies mentales (ou
psychiatriques), quelle qu’elles soient, sont plutôt « sales » dans
l’imagerie populaire (c’est, j’imagine, le meilleur moyen pour les foules de
penser qu’elles ne sont pas concernées). Et encore, quitte à être sales, il y a
au moins des maladies que tout le monde connaît à peu près : la schizophrénie,
la psychopathie… bah, non, moi j’ai reçu en héritage celle qui est toute
pourrite, celle que tout le monde prend pour une fausse maladie et celle, last
but not least, que le corps médical lui-même maîtrise comme un pied de porc,
que ce soit dans le diagnostic ou dans le traitement : la bipolarité.
Je suis bien conscient de l’impossibilité du dialogue. Des
limites de la conversation. Ma propre incapacité à communiquer sur ma maladie me
décourage assez violemment. A quoi bon, de toutes façons si personne n’entend ou
ne comprend ?
Le problème c’est que mon angoisse n’est pas
existentielle, chic et cultivée. Elle n’est pas seyante ou intéressante. Elle
rampe à quatre pattes et se tape la tête contre les murs. Des coups, des coups
encore, jusqu’au sang. Mon angoisse est moche, elle est crade, il faut que je
la cache. Elle ne me laisse même pas le luxe du désespoir raffiné propre aux
dandys. C’est con, j’aurais adoré être un dandy (ou un poète maudit à la
rigueur, je m’en serais contenté).
Alors, être bipolaire, c’est quoi ?
C’est être parfois deux à l’intérieur de soi :
- Celui qui agit sans se contrôler,
- Celui qui regarde et qui ne comprend pas, qui n’en n’a
ni la force, ni la lucidité.
Et en même temps c’est être toujours tout seul, même entouré.
C’est partir très loin, inventer une histoire, des
histoires, et sortir de votre réalité.
C’est être persuadé que c'est l'autre qui ne nous comprend
jamais.
C’est alors crier, puis crier plus fort, devenir agressif
et même parfois violent
Et puis, quelques instants plus tard, ne se souvenir de
rien.
C’est, certains jours, s'enflammer, ne plus avoir de
doute, ne plus avoir de peur.
C’est ressentir l'énergie faire bouillir tout son corps, ne
plus la contrôler,
C’est être porté par un sentiment de toute puissance que
rien ne peut modérer.
C'est ne pas supporter que les autres ne suivent pas.
C’est, le jour suivant, tomber dans le néant, comme ça, pour
un rien, sans raison.
C'est repousser les gens, même les plus importants, ne
plus vouloir sortir de chez soi.
C’est n’avoir plus aucune envie, sauf celle d’en finir.
Même si j’ai de bonnes raisons de me battre (mes filles
pour ne citer qu’elles).
Mais ça n’est pas si simple et, dans ces cas-là, le
désespoir se fait culpabilité.
C'est avoir honte de ne rien pouvoir faire.
C'est avoir honte qu'on nous dise tout le temps de « nous
bouger », que « ce n’est rien ».
C’est des moments de colère, de dégoût, de fatigue, de
doutes, et puis de désespoir encore.
C’est voir la vie qui passe et moi qui, à côté, n'en fais
plus partie.
C'est ne plus supporter d'avoir mal, de souffrir, de ne
plus se reconnaître.
C’est d'avoir une impression de double identité et parfois
même, pire, d'être vraiment habité.
C’est de ne plus rien maîtriser, de me faire mal ou de
faire mal à ceux que j’aime.
C’est lâcher le monde réel, le vôtre, et partir dans un
autre que je ne connais pas.
C'est être en psychiatrie pour rester protégé et reposer
les autres, ceux qui vivent avec moi.
Pour me cacher aussi, parce que j’ai honte de moi.
Parce que j’ai peur de sortir et d'affronter ce monde, le
vôtre,
Me demandant sans cesse : en suis-je capable ou pas ?
C’est les médicaments aussi : c'est essayer, sans
relâche, tant que ça ne marche pas.
Tant que l'on ne peut pas reprendre une vie sereine.
Et c'est subir, aussi, les effets secondaires liés au
traitement : les tremblements, le flou, les pertes de mémoire, les
insomnies.
Ces moments où, pour tenir debout, on est complètement
drogué…
Et puis si un beau jour, à force d'essayer, un peu comme
un miracle,
Je trouvais une forme de sérénité, alors à ce moment il
faudrait que je me redécouvre
Et que j’accepte de vivre sans envolées, sans ces moments
que j'adore, ces vagues de folie et ces pulsions créatives que je considère
comme essentielles.
C'est complètement con et paradoxal.
Voilà donc : être bipolaire, ce n’est pas « juste »
avoir des hauts et des bas, c’est une vraie maladie, pour laquelle on signe a
priori à vie (malgré nous, va s’en dire). Ca n’est certainement pas la pire des
maladies, mais sûrement pas la plus joyeuse non plus. C’est une maladie qui
gangrène lentement mais sûrement la volonté, la capacité de jugement… et qui
prive un peu inexorablement, jour après jour, d’un certain droit au bonheur.
Tout ça caché dans ma tête, jour et nuit, sans aucun répit. Et pourtant je
lutte, et je lutte encore, mais il y a certains jours où je souhaiterais juste
rendre les armes et m’endormir tranquillement, et ne jamais me réveiller, parce
qu’honnêtement, c’est fatigant à la longue.
C’est tout pour aujourd’hui les gens. (Paie ta
non-transition de fin).
Merci à celles et ceux qui auront eu la patience de lire
ce post jusqu’au bout.
Merci à celles et ceux qui, l’ayant lu, ne seront pas dans
le jugement.
RDV demain pour un post un peu plus drôle (pas difficile)…
Enjoy your life les poulets, et surtout prenez soin de
vous.
T.
Certainement pas drôle, en effet ! Mais de loin le meilleur post depuis le début pour moi , avec une franchise qui vous prend aux tripes et une émotion palpable ! Le talent de l'écriture (et je pense pouvoir en juger, croyez moi) ne gâche rien.
RépondreSupprimerPour ce qui est du fond, c'est une autre histoire et je ne me permettrai, pour une fois, aucun jugement.
Bon courage et à très vite ...
Merci de l'avoir lu et merci pour tes mots. Tu n'imagines pas comme ça fait du bien. A très vite (j'ai bien peur pour toi que ce ne soit pour demain soir...). Des bises, TOM.
RépondreSupprimerMaudit, certainement pas, mais poète, indéniablement : ton post est sensible, écorché, lucide, sans doute à l'image de l'homme que tu es devenu. Il claque, il gratte, il résonne. Bravo de t'être dévoilé et de l'avoir fait avec autant de talent. Tes mots m'ont touchée en plein coeur.
RépondreSupprimerBises.
(mon pseudo était trop obscur, je reposte avec un nom plus transparent ; )